Catheter cicatriciel

Catheter cicatriciel

catheter cicatricielLes techniques d’infiltration pariétales sont souvent associées à des actes de chirurgies mineures ou superficielles. Pour ce qui concerne la chirurgie plus invasive, et notamment les laparotomies abdominales, l’intérêt des infiltrations en injection unique à l’aiguille est limité par l’intensité et la durée de la douleur postopératoire. La possibilité de mettre en place un cathéter dans la cicatrice, en fin d’intervention, et qui permette ainsi l’administration continue prolongée d’un anesthésique local au site même de la lésion chirurgicale, a étendu le champs des indications d’infiltrations pariétales à la chirurgie « lourde ». En chirurgie abdominale, la part de la composante pariétale dans la douleur postopératoire est prépondérante. Les afférences nociceptives pariétales ne peuvent être limitées à la couche souscutanée. La couche musculo-aponévrotique, mais aussi le feuillet pariétal du péritoine sont richement innervés et responsables d’une part importante de la douleur après laparotomie. C’est la raison pour laquelle les études ayant évalués l’intérêt de la perfusion continue sous-cutané d’anesthésique local après laparotomie donnent des résultats décevants, voir le plus souvent négatifs (1-4). La perfusion prépéritonéale, c’est à dire entre le péritoine, préalablement fermé par le chirurgien, et la couche musculo-aponévrotique donne des résultats analgésiques qui paraissent beaucoup plus satisfaisants (5). Dans une étude randomisée en double aveugle, comparant chez des patients bénéficiant tous de la PCA morphine, la perfusion continue de ropivacaïne 2 mg/ml pendant 48 h avec celle de sérum physiologique, la douleur postopératoire au repos et à la mobilisation était significativement réduite chez ceux bénéficiant de la perfusion cicatricielle prépéritonéale (6). La consommation de morphine était très significativement réduite sur les 3 premiers jours postopératoires. En outre, cette technique permet une amélioration de la qualité de sommeil sur les deux premières nuits postopératoires, un raccourcissement significatif du délai de reprise du transit intestinal et de la durée d’hospitalisation, jugée sur des critères objectifs (115±25 vs 147±53 heures dans le groupe contrôle).

Enfin, il semblerait que la dysfonction diaphragmatique en postopératoire de chirurgie abdominale puisse être réduite par le blocage des afférences pariétales pré-péritonéale (7). Outre le positionnement prépéritonéal, plus efficace que sous-cutané, la réussite de l’infiltration continue cicatricielle est conditionnée par plusieurs paramètres. Le volume horaire injecté paraît déterminant. L’injection de volumes inférieurs à 5 ml/h ne peut couvrir efficacement la totalité d’une cicatrice et est à l’origine d’échecs dans des indications ou par ailleurs des données préliminaires permettent d’espérer un bénéfice important de l’infiltration cicatriciel continue. Le matériel utilisé conditionne également une part de l’efficacité de cette technique. La mise en place de cathéters non perforés ou simplement multiperforés sur 2 cm (cathéters périduraux) limite l’efficacité de la technique. L’emploi de cathéters multiperforés sur une longueur proche de la taille de la cicatrice permet une diffusion homogène de l’anesthésique local et améliore l’efficacité. Les effets indésirables liés aux perfusions continues cicatricielles sont rares, voir inexistants. L’absence de bloc moteur permet une mobilisation rapide des patients. Ces techniques ne nécessitent aucune surveillance particulière et les patients peuvent être remis sans risque en secteur d’hospitalisation conventionnelle dés le postopératoire immédiat, ce qui est un atout important. Le risque principal est celui de toxicité aux anesthésiques locaux. Il est faible si les doses préconisées et les règles de bonne pratique concernant l’utilisation des anesthésiques locaux sont respectées. La ropivacaïne (Naropeine®) présente l’intérêt d’une puissance très supérieure à celle de la lidocaïne, d’une toxicité systémique moindre que celle de la bupivacaïne (Marcaïne®), enfin d’une demie-vie d’élimination plus courte que celle de la bupivacaïne ou de la lévo-bupivacaïne (Chirocaïne®), ce qui protège du risque d’accumulation en cas de perfusion prolongée. Nous avons montré que la perfusion continue de ropivacaïne 2 mg/ml à 10 ml/h durant 48h donne lieu à des concentrations sériques largement en deçà des seuils de toxicité chez les patients opérés (6). Le risque local peut concerner la cicatrisation et le risque infectieux. Le risque infectieux local ne paraît pas augmenté par l’infiltration cicatricielle lorsque les précautions standards d’asepsie sont respectées (8). Quelques données qui vont être prochainement publiées permettent de penser que ce risque pourrait même être diminué part l’effet conjugué des propriétés antiseptiques des anesthésiques locaux, et des effets bénéfiques de l’analgésie postopératoire sur l’immunité et la microcirculation locale. Le risque local des perfusions continues cicatricielles est régulièrement soulevé. Le recul, à ce jour, concerne les centaines de patients inclus dans les évaluations publiées, et aucun problème de cicatrisation n’a été rapporté (8).

Au total, la perfusion continue cicatricielle prépéritonéale est une technique analgésique efficace après laparotomie. Outre l’efficacité analgésique, elle apporte un bénéfice net sur la vitesse de convalescence des patients. C’est une technique simple et sûre, moins invasive et mieux tolérée que ne l’est l’analgésie péridurale.

Références :

  • Baig M, Zmora O, Derdemezi J et al. Use of the ON-Q pain management system is associated with decreased postoperative analgesic requirement: double-blind randomized placebo pilot study. J Am Coll Surg 2006;202:297-305.
  • Cheong W, Seow-Choen F, Eu K et al. Randomized clinical trial of local bupivacaine perfusion versus parenteral morphine infusion for pain relief after laparotomy. Br J Surg 2001;88:357-9.
  • Fredman B, Zohar E, Tarabyki A et al. Bupivacaine wound instillation via an electronic patientcontrolled analgesia device and a double-catheter system does not decrease postoperative pain or opioid requirement after major abdominal surgery. Anesth Analg 2001;92:189-93.
  • Polglase AL, McMurrick PJ, Simpson PJ et al. Continuous wound infusion of local anesthetic for the control of pain after elective abdominal colorectal surgery. Dis Colon Rectum 2007;50:2158- 67.
  • Pelissier E, Mazoit J-X, Beaussier M. Pre-peritoneal continuous infusion of local anesthetics for pain relief after laparotomy. A preliminary report. Ann Chir 2006;31:198-202.
  • Beaussier M, El’Ayoubi H, Schiffer E et al. Continuous preperitoneal infusion of ropivacaine provides effective analgesia and accelerates recovery after colorectal surgery. A randomized, double-blind, placebo-controlled study. Anesthesiology 2007;107:461-8.
  • El’Ayoubi H, Rollin M, Chanques G et al. Infiltration continue cicatricielle prépéritonéale de ropivacaïne et dysfonction diaphragmatique après chirurgie colorectale. Ann Fr Anesth Réanim 2007;Suppl congrès SFAR.
  • Liu S, Richman J, Thirlby R, Wu C. Efficacy of continuous wound catheter delivering local anesthetic for postoperative analgesia : a quantitative and qualitative systematic review of randomized controlled trials. J Am Coll Surg 2006;203:914-32.