Extension d’une DPC

Extension d’une DPC

La duodéno-pancréatectomie céphalique (DPC) offre au patient une survie à 5 ans très variable en fonction du type de tumeur péri-ampullaire (54% pour les ampullômes, les tumeurs duodénales ou neuro-endocrines, 34 % pour les cholangiocarcinomes et 22% pour les adénocarcinomes primitifs du pancréas dans notre expérience).

L’adénocarcinome primitif du pancréas (APP) constitue toujours l’indication le plus frustrante pour les chirurgiens pancréatiques, en raison de son agressivité. Une sélection adéquate des patients est donc essentielle, afin de ne pas soumettre à une exploration chirurgicale inutile des patients porteurs d’une maladie métastatique (hépatique, péritonéale ou ganglions régionaux inter-aortico-caves). La résection artérielle est une contre-indication oncologique pour une résection primaire, justifiant d’un traitement de radio- chimiothérapie néo-adjuvante.

Différentes stratégies ont été proposées pour augmenter la radicalité d’une DPC :

  • Réaliser une lymphadénectomie extensive « à la japonaise » ;
  • Une pancréatectomie totale ;
  • Un abord artériel premier de l’artère mésentérique supérieure et 4. une résection vasculaire (veineuse et/ou artérielle).

1. Lymphadénectomie étendue : plusieurs études contrôlées ont démontré que l’étendue de la lymphadénectomie aux ganglions rétropéritonéaux augmentait la morbidité opératoire, dégradait la qualité de vie et n’augmentait pas la survie postopératoire des patients porteurs d’un APP. Par contre, l’existence de ganglions régionaux métastatiques (N3 dans la classification japonaise) en particulier en inter-aortico-cave (JPS-16B1) était associée à une survie à 5 ans quasi nulle. Notre stratégie aux Cliniques Universitaires Saint-Luc (CUSL) à Bruxelles, inclut donc la recherche de ces ganglions métastatiques N3 en préopératoire par échoendoscopie avec cytoponction et en peropératoire par curage régional inter-aorticocave de staging avec histologie extemporanée. La survie à 5 ans est confirmée nulle chez les patients porteurs de ganglions métastatiques inter-aortico-caves à l’histologie définitive.
2. Pancréatectomie totale : suggérée en raison d’un caractère multicentrique exagéré des adénocarcinomes pancréatiques, la pancréatectomie totale n’a pas autorisé dans notre série de survie différente par rapport à la DPC. Elle s’impose chaque fois qu’une analyse extemporanée de la tranche de section montre une persistance de tissu tumoral. La texture du pancréas n’est jamais une indication de totalisation dans notre expérience. En cas d’ectasie mucineuse pancréatique, nous la pratiquons en cas de dysplasie sévère résiduelle sur la tranche de section, mais jamais en cas de dysplasie de bas grade. Par contre, dans notre expérience au CUSL, la mortalité est nulle en cas de pancréatectomie totale.

3. Standardisation de la qualité de l’exérèse de la lame rétroportale par abord artériel mésentérique supérieur premier. L’existence d’une exérèse radicale (R0) est un des facteurs significatifs les plus importants de survie au long cours chez les patients porteurs d’un APP. Si les autres tranches de section chirurgicales (biliaire, pancréatique, vasculaire et duodénale en cas de conservation pylorique) peuvent être contrôlées par histologie extemporanée, la marge rétropéritonéale est le site le plus fréquent d’exérèse non radicale (dite R1, à moins de 1 mm de la tranche de section chirurgicale). L’abord artériel premier décrit par JR. DELPERO et coll – en début de dissection ou après transsection isthmique – constitue la méthode de choix pour standardiser le caractère complet de la lame rétroportale droite, emportant tous les tissus cellulo-graisseux et ganglionnaires à droite de la gaine de l’artère mésentérique supérieure. L’existence d’une lésion du processus unciné et/ou d’un envahissement veineux est souvent associée à une exérèse R1 sur la lame rétropéritonéale.

4. Résection vasculaire (veineuse et artérielle). Une résection vasculaire a été pratiquée chez 20% des patients porteurs d’une tumeur péri-ampullaire (atteignant actuellement 1/3 des patients réséqués) et 43% des patients porteurs d’un APP. La reconstruction veineuse – adaptée au site et au degré d’extension pariétal veineux – est toujours réalisée par des chirurgiens vasculaires spécialisés. La résection veineuse isolée ne modifie pas la mortalité péri-opératoire, ni la survie à 5 ans de manière significative (survie à 5 ans : 29% sans et 14% avec résection veineuse). Par contre, la résection artérielle et/ou artérielle et veineuse combinée, augmente de manière significative la mortalité opératoire, sans aucune survie à 5 ans. Pour les tumeurs « localement avancées » avec contact artériel mésentérique supérieur, un traitement néo-adjuvant de radio- chimiothérapie est donc actuellement proposé dans notre expérience. Autant la résection / reconstruction veineuse n’est donc pas une contre-indication à l’exérèse en cas de DPC, autant la résection / reconstruction artérielle est oncologiquement sans fondement, deux constatations qui sont parfaitement supportées par la littérature.

En conclusion, la prise en charge des tumeurs péri-ampullaires malignes – principalement l’adénocarcinome pancréatique primitif – est actuellement résolument pluridisciplinaire, encadrée d’une radio chimiothérapie néo-adjuvante dans les formes localement avancées et complétée par une chimiothérapie adjuvante. Sur le plan strictement chirurgical, l’exérèse doit être radicale sur le plan oncologique, en s’entourant d’examens histologiques extemporanés peropératoires multiples, en standardisant l’exérèse complète de la lame rétroportale droite par un abord artériel mésentérique supérieur premier, sans réaliser de lymphadénectomie extensive, en assurant une résection / reconstruction veineuse en cas d’envahissement isolé et en abandonnant l’exérèse en cas de ganglions métastatiques inter-aortico-caves et/ou d’envahissement artériel.