Adénome Hépatique – Adénomatose

Adénome Hépatique – Adénomatose

L’adénome hépatocellulaire (AH) est une tumeur hépatocytaire bénigne rare, développée sur un foie généralement normal. Cette tumeur survient essentiellement chez la femme, entre 15 et 45 ans. Elle est souvent associée à la prise d’une contraception orale oestro-progestatative, de stéroïdes anabolisants ainsi qu’avec les glycogénoses de type I ou III. L’AH est unique dans 80% des cas.
L’adénomatose hépatique est une entité particulière décrite en 1985, définie par la présence de plusieurs AH (>=10) au sein d’un parenchyme hépatique par ailleurs normal. Les malades atteints d’une glycogénose hépatique ou ayant reçu un traitement par androgènes étant exclus. L’adénomatose hépatique était initialement considérée comme une entité particulière, distincte de l’AH unique, affectant de façon équivalente les femmes et les hommes et sans lien avec la prise d’une contraception orale.
En 2002, une association entre des mutations du gène hépatocyte nuclear factor 1α (HNF1α), et la survenue d’un AH ou d’une adénomatose hépatique a été rapportée. Ce gène HNF1α est impliqué dans la survenue d’une forme héréditaire de diabète, le diabète non insulinodépendant du sujet jeune (MODY3). Des formes familiales d’adénomatose hépatique associées à un diabète MODY3 ont ensuite été rapportées en 2003.
Une classification des AH et adénomatose hépatiques a été proposée en 2006 (Zucman-Rossi, Hépatology 2006), basée sur les caractéristiques histologiques et les résultats d’analyses moléculaires.
Elle permet d’identifier 4 sous-groupes caractérisés respectivement par :
1) La présence d’une mutation biallélique inactivatrice du gène HNF1α présentant histologiquement une stéatose importante (35 à 50%)
2) La présence d’une mutation biallélique du gène Béta-catenine, associé à un risque plus élevé de transformation en carcinome hépatocellulaire (15-18 %) ;
3) l’absence de mutation des gènes HNF1α ou Béta-catenine, mais avec une inflammation marquée en histologie associée à une réaction ductulaire, des vaisseaux dystrophiques et une dilatation des sinusoïdes regroupant les lésions anciennement appelées adénomes télangiectasiques voire HNF télangiectasiques (25-35 %). Ces lésions sont maintenant appelées adénomes inflammatoires et sont cliniquement associées à un surpoids, une consommation alcoolique augmentée et un syndrome inflammatoire biologique (CRP élevée). Encore plus récemment (Rebouissou S Nature 2009), a été découverte une mutation somatique du récepteur GP130 dans 65% des adénomes inflammatoires. Le récepteur GP130 est un récepteur activant une voie de signalisation JAK-SAT, voie ayant une implication dans la réponse immune et inflammatoire ; habituellement activée par IL6. La mutation entraîne une activation de GP130 indépendante de IL6. Cette mutation est exclusive de la mutation HNF1α, par contre, 50% des adénomes mutés Béta-catenine ont une mutation de GP130 associée. Sur les CHC étudiées (étude portant sur 220 CHC présentée à EASL 2009) mutation rare et systématiquement associée à Béta-catenine.
4) Un dernier groupe ne présentant ni mutation, ni infiltrat inflammatoire.
Ces 4 sous-groupes peuvent actuellement être individualisés en immuno-histochimie à l’aide de 4 anticorps (Liver fatty acide binding protein, Serum amyloïd A2, Glutamine synthétase, Béta-catenine).
L’AH est habituellement découvert de façon fortuite, en raison de douleurs abdominales, ou du fait de complications hémorragiques. Ces tumeurs ont également un potentiel de transformation en carcinome hépatocellulaire et peuvent être candidates à une résection chirurgicale. Les principales indications de résection sont actuellement une taille supérieure à 5 cm (ou 4 cm), une tumeur symptomatique et une complication hémorragique. Actuellement, la classification génétique et immuno-histochimique peut avoir un impact sur la prise en charge.
Le cas particulier de l’adénomatose hépatique est plus complexe et souffre, du fait de sa rareté de la grande pauvreté des publications quant à la prise en charge. Une étude récente est cependant sortie (Deneve JL, Ann Surg Oncol Mar 2009). Elle porte seulement sur 3 cas : mauvais résultats avec récidive des adénomes les auteurs conseillent donc une attitude similaire à l’adénome simple : résection si nodule > 5 cm.
Le diagnostic d’AH est habituellement suggéré par les examens d’imagerie (échographie, TDM et IRM). L’IRM est actuellement l’examen le plus performant en terme de sensibilité et spécificité et permet de distinguer certaines caractéristiques spécifiques des sous-groupes inflammatoires et avec mutation HNF1α .
Les AH ont cependant une présentation variable en imagerie, probablement en rapport avec les différents sous-groupes caractérisés, nécessitant souvent une confirmation histologique, afin d’éliminer les deux principaux diagnostics différentiels représentés par l’hyperplasie nodulaire focale et le carcinome hépatocellulaire. Les nouvelles techniques d’imagerie comme la tomographie par émission de positons (TEP) pourraient apporter une aide dans certaines situations.
En 2009 ont été publiées 3 grandes études d’adénomes traités chirurgicalement comprenant plus de 120 patients dans chacune d’elles (1, 2, 3), les adénomes ayant saigné représentaient respectivement 18%, 21% et 25% du collectif et ceux ayant dégénérés 5%, 8% et 4%. Ces chiffres sont importants en considérant qu’il s’agit dans la grande majorité des cas de femmes jeunes avec une longue espérance de vie. Le risque hémorragique n’était pas lié au nombre d’adénomes mais à sa taille. Un adénome de plus de 4cm a un risque hémorragique plus élevé. Le risque de dégénérescence était lié au phénotype des adénomes Béta-caténine –activés ainsi qu’au sexe, le risque étant beaucoup plus élevé chez les hommes. Un article récent (10) a montré que le risque de transformation maligne était 10 fois supérieur dans le sexe masculin (47% versus 4%). D’autre part, la même équipe avait montré que les adénomes inflammatoires et particulièrement la variante télangiectasique était observée chez des patients avec un syndrome métabolique (5). Les patients ayant un adénome inflammatoire ont souvent la protéine C de l’inflammation et/ou le fibrinogène augmentés dans le sérum (5). Le syndrome métabolique est un facteur de risque pour développer un carcinome hépatocellulaire (CHC), généralement sans fibrose hépatique associée. Dans leur série, 5 CHC se sont développés sur un adénome pré-existant qui était 3 fois de type télangiectasique (6).
Lorsqu’un adénome unique est découvert, la première mesure est d’arrêter le traitement hormonal. Un adénome objectivé chez un homme doit être réséqué en raison du risque élevé de dégénérescence (4). Un adénome de plus de 4cm doit être réséqué en raison du risque majoré de saignement (3). Un adénome phénotype Béta-caténine-activé doit être soit réséqué soit traité par embolisation et radiofréquence en raison du risque majoré de dégénérescence.
Un adénome hémorragique doit être traité par embolisation (7) et réséqué dans un second temps. Récemment il a été montré que l’embolisation pouvait être un traitement définitif et qu’une surveillance suffisait bien que le suivi de ces patients apparaît court (généralement moins de 2 ans) pour définitivement conclure (8,9). Cependant pour les adénomes hémorragiques supérieurs à 4cm de diamètre, la résection apparaît appropriée sauf si l’embolisation a permis de réduire la taille de l’adénome à moins de 3cm permettant ultérieurement un traitement efficace par radiofréquence percutanée (10, 11).

Références :
1) Bioulac-Sage P., Laumonier H., Couchy G., Le Bail B., Sa Cunha A., Rullier A., et al. Hepatocellular adenoma management and phenotypic classification : the Bordeaux experience. Hepatology 2009 ; 50 : 481-89).
2 )Dokmak s., Paradis V., Vilgrain V., Sauvanet A., Farges O., Valla D. et al. A single-center surgical experience of 122 patients with single and multiple hepatocellular adenomas. Gastroenterology 2009; 137: 1698-1705.
3) Deneve Jl., Pawlik TM., Cunningham S., Clary B., Reddy S., Scoggins CR., et al. Liver cell adenoma: a multicenter analysis of risk factors for rupture and malignancy. Ann Surg Oncol 2009; 16: 640-648.
4) Farges O., Ferriera N., Dokmak S., Belghiti J., Bedossa P., Paradis V. Changing trends in malignant transformation of hepatocellular adenoma. Gut 2011; 60: 85-89.
5) Paradis V., Champault A., Ronot M., Deschamps L., Valla DC., Vidaud D., et al. Telangiectasic adenoma : an entity associated with increased body mass index and inflammation. Hepatology 2007; 46: 140-146.
6) Paradis V., Zalinski S., Chelbi E., Guedj N., Degos F., Vilgrain V., et al. Hepatocellular carcinomas in patients with metabolic syndrome often develop without significant liver fibrosis: a pathological analysis. Hepatology 2009; 49: 851-59.
7) Stoot JHMB., van der Linden E., Terpstra OT., Schaapherder AFM. Life-saving therapy for haemorraging liver adenomas using selective arterial embolization. Br J Surg 2007; 94:1249-53.
8) Erdogan D., van Delden OM., Busch ORC., Gouma D., van Gulik TM. Selective transcatheter arterial embolization for treatment of bleeding complications or reduction of tumor mass of hepatocellular adenomas. Cardiovasc Intervent Radiol 2007; 30: 1252-58.
9) Kobayaschi S., Sakaguchi H., Takatsuka M., Suekane T., Iwai S., Morikawa H., et al. Two cases of hepatocellular adenomatosis treated with transcatheter arterial embolization. Hepatol int 2009; 3: 416-20.
10) Atwell Td., Brandhagen DJ., Charboneau JW., Nagorney DM., Callstrom MR., Farrel MA. Successful treatment of hepatocellular adenoma with percutaneous radiofrequency ablation. AJR 2005; 184: 828-31.
11)Rhim H., Lim HK., Kim Y., Choi D. Percutaneous radiofrequency ablation of hepatocellular adenoma: initial experience in 10 patients. J Gastroenterol Hepatol 2008; 23: e422-e427.