Prise en charge des fistules entéro-cutanées

Prise en charge des fistules entéro-cutanées

Héloïse BERGERET-CASSAGNE, Jérémie LEFEVRE, Najim CHAFAI

Les fistules entéro-cutanées (FEC) sont une complication rare et se définissent par une communication anormale entre le tube digestif et la surface cutanée donnant lieu à l’extériorisation de liquide digestif par le trajet fistuleux néoformé.

Dans 80% des cas, le trajet est indirect avec l’existence d’abcès intermédiaire. Les FEC restantes sont directes et parfois associées à une éviscération (on parle alors de fistule exposée du grêle).

Les causes sont multiples (post-opératoire, inflammation (MICI), radiothérapie, tumorale). Dans plus de 80% des cas, elles surviennent en post-opératoire.

Les fistules psot-opératoires du grêle liées à une plaie peropératoire concernent plus souvent l’iléon (80%) que le jéjunum (20%). Elles sont plus fréquentes en cas d’intervention en urgence, de laparotomies itératives, surtout si une viscérolyse extensive est nécessaire, et en cas d’infection intra-abdominale. Certains gestes, comme la fermeture pariétale par des points totaux, sont également pourvoyeurs de plaies du grêle. En chirurgie laparoscopique, des plaies du grêle peuvent survenir lors de l’insertion de l’aiguille d’insufflation ou du premier trocart « à l’aveugle ».

Le diagnostic est facilement évoqué. Les FEC diagnostiquées devant un écoulement de matières ou de liquide digestif au niveau de la paroi abdominale, au niveau de la cicatrice ou d’un orifice de drainage. Cet écoulement qui rend le diagnostic cliniquement évident est parfois précédé par la constitution d’un placard inflammatoire local autour de l’orifice cutané.

Bien qu’elles n’engendrent pas toujours les mêmes complications systémiques que les fistules anastomotiques intra-abdominales (sauf en cas de sepsis associé), les FEC extériorisées ont des conséquences délétères sur les suites post-opératoires.

Les facteurs à prendre en compte sont :

  • le débit de la FEC: Il faut veiller à maintenir des apports suffisants pour éviter une déshydratation et une dénutrition : on distingue les fistules à bas débit (<500mL/24h) et à haut débit (>500mL/24h)
  • la localisation de la FPO : Il faut distinguer les fistules grêlo-cutanées et les fistules colo-cutanées, et déterminer le niveau de la fistule dans le cas d’une fistule du grêle. Le type de chirurgie initiale oriente bien-sûr sur la localisation, certains examens complémentaires peuvent compléter cette évaluation : test au bleu ou rouge carmin, fistulographie à la sonde de Foley, scanner avec opacification digestive (lavement aux hydrosolubles ou entéroscanner selon la localisation). Le débit oriente également sur la localisation de la fistule (les fistules à haut débit étant généralement plus haut situées (jéjunum haut) et/ou associées à un obstacle d’aval.

les lésions pariétales associées : Dans tous les cas, l’état cutané au niveau de l’orifice fistuleux est à surveiller. Une forme particulièrement sévère de FPO du grêle est celle des fistules sur grêle « exposé » (appelées également fistules entéro-atmosphériques), où la FPO est ouverte dans un gâteau d’éviscération ; l’appareillage en est difficile avec nécessité d’intuber la (ou les) fistules.

La prise en charge est médico-chirurgicale. Elle nécessite souvent une hospitalisation prolongée. Il faut essayer d’éviter une reprise chirurgicale trop précoce qui exposerait à un risque important de nouvelles plaies digestives en raison de la difficulté de dissection liée aux phénomènes inflammatoires.

En l’absence de signes associés (sepsis ou hémorragie du trajet fistuleux), le traitement est le plus souvent conservateur dans un premier temps, avec mise en place d’un traitement médical associant :

  • des analogues de la somatostatine. Ce traitement vise à diminuer le débit fistuleux. Leur efficacité est contestée et inconstante, mais une méta-analyse récente rapporte chez des patients traités par analogues de la somatostatine pour une fistule entérocutanée, un taux plus important (p=0.002) ainsi qu’un délai plus court (p<0.0001) de fermeture de la fistule que chez les patients non traités.56 Ce traitement est souvent mis en place comme test thérapeutique et poursuivi uniquement en cas de diminution effective du débit.
  • des soins locaux, primordiaux dans la prise en charge de ces fistules. Ils associent appareillage de la fistule pour protéger la peau, neutralisation du liquide fistuleux dans le cas des fistules du grêle par des irrigations de Ringer Lactate ou de sérum physiologique.
  • une nutrition adéquate. Elle associera nutrition parentérale et si possible (fistule proximale avec accès au segment d’aval) réinstillation du liquide digestif dans le segment d’aval.

Environ 30% des fistules du grêle se tarissent sous traitement médical ; une intervention sera indiquée pour fermer le trajet fistuleux si la fistule ne s’est pas tarie spontanément au bout de 90 jours. Certains facteurs prédictifs d’une fermeture spontanée de la fistule ont été identifiés:

  • Fistule à faible Débit (< 500 mL/J)
  • Fistule sur grêle sain
  • Absence de sténose sous-jacente
  • Trajet fistuleux > 2cm
  • Orifice fistuleux intestinal < 1cm
  • Absence de défect de paroi
  • Absence de comorbidité
  • Nutrition parentérale bien conduite

Avant réintervention, une opacification du segment d’aval est nécessaire afin d’éliminer une sténose. Dans la majorité des cas, une résection-anastomose est réalisée. Idéalement, la réintervention doit être réalisée plus de 3 mois après la dernière laparotomie, chez un patient renutri sans phénomènes inflammatoire ou septique persistants.

 

REFERENCES :

  1. Fistules post-opératoires. Isabelle Sourrouille, Jérémie H. Lefevre, Yann Parc.
  2. Lloyd DAJ, Gabe SM, Windsor ACJ: Nutrition and management of enterocutaneous fistula. Br J Surg 93:1045–1055, 2006
  3. Parc Y, Frileux P, Vaillant JC, et al: Postoperative peritonitis originating from the duodenum: operative management by intubation and continuous intraluminal irrigation. Br J Surg 86:1207–1212, 1999

Lefèvre JH, Parc Y: Péritonites postopératoires. EMC – Chirurgie 9:1–8, 2009.