Traitement chirurgical du CHC

Traitement chirurgical du CHC

Le traitement du CHC repose sur une collaboration multidisciplinaire associant l’hépatologie « oncologique », l’hépatologie de greffe, la radiologie diagnostique et interventionnelle et la chirurgie de résection et de greffe. En effet, la prise en charge doit tenir compte que cette tumeur se développe sur un foie pathologique dans 90% des cas, avec un degré d’insuffisance hépatocellulaire variable, et d’étiologie variée (1/3 d’alcool, 1/3 de virus, 1/3 autres). Enfin, le CHC est la seule tumeur qui représente d’emblée une indication de transplantation hépatique.

Le rationnel de la transplantation repose sur le traitement simultané de la tumeur et de l’hépatopathie sous jacente.

Résection chirurgicale : risque et résultats

La résection est considérée comme un traitement curatif du CHC mais peut d’entraîner une décompensation de la fonction hépatique parfois létale. Actuellement, la réserve fonctionnelle hépatique et le retentissement de l’hépatopathie doivent être appréciés par le score de MELD (Model for End-stage Liver Disease), par l’importance de l’hypertension portale (FOGD et mesure éventuelle des pressions par voie transjugulaire) et, en cas d’hépatectomie majeure (> 3 segments), par l’évaluation du degré d’hypertrophie après embolisation portale.

  • En présence d’un score de MELD < 8, des hépatectomies majeures sont envisageables avec un risque faible de décompensation hépatique.
  • En présence d’un score de MELD > 11, le risque de décompensation et d’insuffisance hépatique létale a été évalué récemment supérieur à 15 %.
  • Entre 8 et 11, le risque sera d’autant plus élevé que la natrémie est inférieure à 140 mEq/l et qu’il existe des signes d’hypertension portale.
  • La présence de varices oesophagiennes et/ou d’une thrombopénie inférieure à 100 000 plaq/ml témoigne indirectement d’une hypertension portale qui se définit comme un gradient porto-cave supérieur à 10 mm de Hg. Si la présence d’une hypertension portale est compatible avec la réalisation d’une hépatectomie limitée lorsque le MELD est inférieur à 11, la présence de cette hypertension portale expose le patient à un risque de décompensation hépatique à moyen terme.
  • Enfin, le risque opératoire est diminué en cas d’approche par laparoscopie.

Les résultats oncologiques de la résection sont équivalents actuellement en terme de survie globale à ceux de la transplantation à indication égale (critères de Milan). La survie sans récidive est néanmoins inférieure de 20 à 40% en raison de la persistance de la maladie hépatique sous jacente en cas de résection. Les résultats des hépatectomies ont été améliorés par:

  • Une meilleure préparation préopératoire et une meilleure sélection des malades
  • Des marges de résection supérieures (2 cm de façon optimale)
  • Des résections dites anatomiques qui emportent les territoires de drainage « porte » du CHC
  • Un contrôle et un traitement étiologique de l’hépatopathie

Transplantation pour CHC

Les critères de transplantation ont globalement peu changé depuis les années 90. Les critères dits de Milan représentent la majorité des indications de transplantation (TH). La TH est proposée aux malades ayant une tumeur unique de 5 cm (sans envahissement vasculaire et bien entendu sans métastase extrahépatique) ou 3 tumeurs dont le diamètre maximal ne dépasse pas 3 cm. Si ces critères sont respectés, la survie sans récidive à 5 ans est de l’ordre de 80%, équivalente à celle de la TH pour pathologie bénigne. Récemment, l’impact du taux d’AFP a été évalué. Un taux d’AFP élevé (supérieure à 500) ou une cinétique de plus de 15ng/ml/mois sont des facteurs indépendants de mauvais pronostic. L’élargissement des critères reste discutable pour le moment malgré des résultats encourageants proches de ceux de Milan à 5 ans rapportés par l’équipe de San Franscico. Cette équipe propose d’élargir les critères à une tumeur de 6.5 cm unique ou plusieurs tumeurs dont le diamètre cumulé ne dépasse pas 8 cm. Si la TH est le meilleur traitement du CHC, il existe en France une pénurie relative de greffons hépatiques par rapport à la demande, avec comme corollaire une augmentation de la durée d’attente et de la mortalité sur liste. En raison de cette pénurie et pour ne pas pénaliser les malades ayant d’autres pathologies, il n’est pas possible d’attribuer un greffon à chaque malade atteint de CHC. L’indication de transplantation et l’inscription sur liste d’attente reposent actuellement sur les critères de Milan. Néanmoins, 15 à 33% des malades ayant un CHC répondant initialement à ces critères sortent de liste en raison de la progression tumorale pendant la période d’attente d’un greffon. Ainsi, en intention de traiter, ce « drop out » aboutit à une diminution globale de l’efficacité de la TH pour le traitement du CHC.

Le score MELD est utilisé depuis 2002 aux USA comme principal critère de classement des patients en attente de TH. Avec un recul de 5 ans, il a été prouvé que l’utilisation du MELD a permis d’optimiser l’égalité des chances d’accès à la greffe et de réduire le délai d’attente et la mortalité en liste d’attente, en donnant la priorité aux patients cirrhotiques les plus graves. De plus, son utilisation a permis de montrer que la mortalité post-greffe était inférieure à la mortalité spontanée de la maladie au dessus d’un score de 15-17. Il est donc inutile d’inscrire les patients dont le score est inférieur à ces valeurs car ces greffes seraient « prématurées ». Les malades ayant une cirrhose compensée mais compliquée d’un CHC sont donc théoriquement défavorisés (MELD < 10 le plus souvent) par ce score. Pour compenser cette inégalité, un nombre de points, ajusté au stade de la tumeur, a été attribué arbitrairement aux malades ayant un CHC en attente de transplantation pour éviter le drop out. La conséquence directe de cette politique a été une augmentation immédiate (X 6) du taux des malades transplantées pour CHC se traduisant par une diminution de la mortalité en liste d’attente.

Un nouveau système d’attribution des greffons, fondé sur le calcul d’un « Score Foie » multicritère a été introduit en France depuis mars 2007 avec le même objectif d’assurer une répartition plus équitable des greffons et de réduire le nombre de décès en liste d’attente. Un bilan du score foie a montré:

  • une diminution du taux de retrait et de décès en liste d’attente ;
  • une baisse de 55% du taux de greffes prématurées;
  • une diminution des taux bruts d’accès à la greffe issue de donneurs décédés pour les patients ayant un CHC. Cette diminution porte préférentiellement sur le groupe des malades ayant un CHC TNM1 et TNM2 (c’està- dire les petites tumeurs rentrant dans les critères de Milan) avec un score MELD bas.

L’accès à la greffe se révèle plus rapide que voulu pour les CHC TNM1 MELD+ qui sont greffés en moins de 6 mois, alors que les CHC TNM2 MELD+ n’accèdent guère plus vite à la greffe que les cirrhoses isolées MELD+. Les CHC TNM2 MELD- ne bénéficient que partiellement du bonus de points accordé à l’ancienneté. Les CHC TNM1 MELD- ont le taux d’accès à la greffe le plus bas, proche de celui des cirrhoses isolées MELD- qui gardent, grâce à la priorité locale, un accès à la greffe qui pose question.

Deux types de solutions peuvent être envisagés afin d’améliorer cette situation :

  1. Renverser le déséquilibre entre la demande croissante de greffons et l’offre insuffisante en augmentant le pool de greffons, ou en développant des stratégies de rationalisation du nombre de greffons existants. L’utilisation des greffons marginaux (stéatosiques, donneurs âgées, prélèvements à coeur arrêté) est actuellement en plein essor. Les techniques de partage des greffons sont limitées par l’augmentation de la morbi-mortalité chez les receveurs, en particulier lorsque le foie gauche est utilisé. L’utilisation de greffons issus de donneurs vivants est freinée par la morbidité post opératoire importante et le risque vital (0.5%) pour le donneur. Plusieurs stratégies de rationalisation des greffons ont été proposées. La transplantation de sauvetage implique la résection première du CHC suivie d’une transplantation en cas de récidive. Validée pour les CHC sur hépatopathie B, elle permet une économie théorique de 26% de greffons à 5 ans avec des résultats équivalents à ceux de la transplantation de première intention. La résection dite « sélection » permet d’intégrer les facteurs histo-pronostiques tumoraux (nodules satellites, envahissement microvasculaire, différenciation tumorale) dans l’arbre décisionnel pré-transplantation. L’application pratique de ces stratégies est limitée principalement par la réserve fonctionnelle hépatique.
  2. L’ajustement progressif de la composante spécifique au CHC dans le « Score Foie » calqué sur l’expérience américaine devrait améliorer l’accès à la greffe pour les patients atteints d’un CHC sur cirrhose compensée. Un rétrocontrôle et un réajustement permanent basé sur des évaluations successives permettront de trouver un équilibre pour l’accès à la greffe des malades ayant un CHC et ceux atteints d’autres pathologies. D’ailleurs, suite à cette première analyse, le nombre de points attribué aux malades ayant un CHC est passé de 200 à 300, reflétant ainsi le caractère dynamique du score et ses possibilités d’évolution. Enfin, le score vient d’être modifié en novembre 2009 pour attribuer plus de points au CHC TNM2 MELD -.