Syndrome de Lynch (II)

Syndrome de Lynch (II)

3 – Particularités des patients présentant un syndrome HNPCC/LYNCH

Tout individu a deux copies de chaque gène (une copie maternelle et une copie paternelle). Nous avons donc pour que chaque protéine de nos cellules, deux fois le code permettant leur fabrication. Ces deux codes sont le plus souvent parfaitement fonctionnels et permettent du fait de leur duplication d’éviter que si une des copies est perdue de façon accidentelle au sein d’une cellule, la protéine soit quand même faite et que la cellule continue à fonctionner.

En effet, le risque de perdre une copie au sein d’une cellule n’est pas nul et  est de l’ordre de 1 chance sur 1 million. A l’inverse, les chances qu’une cellule perde les deux copies d’un même gène sont faibles puisqu’elles sont d’une chance sur 1 million multiplié par 1 million.

En revanche, une personne ayant déjà une copie ne fonctionnant plus peut voir survenir la perte de sa 2ème copie dans une cellule sur un million de cellules. Le côlon est fait de milliards de cellules qui ont la particularité de se renouveler très fréquemment avec presque un renouvellement toutes les 48 heures. Ainsi, un événement pouvant survenir sur une cellule tous les millions de cellules au sein d’une population cellulaire dépassant largement le milliard de cellules n’est plus un événement rare. Les patients présentant un syndrome HNPCC/LYNCH partent avec une copie manquante d’une des protéines du système MMR. Cette copie présente une mutation, c’est-à-dire une modification du code qui entraine l’absence de fabrication de la protéine à partir de cette copie ou la fabrication d’une protéine qui ne fonctionne pas. Ainsi, si la fabrication de MSH2 ou de MLH1 a été perdue, la cellule continuant à se multiplier finie soit par mourir soit par se transformer en une cellule cancéreuse puisqu’elle ne corrige plus les fautes survenant lors des réplications.

Le non-fonctionnement des protéines du système MMR, n’est pas uniquement secondaire à l’existence de mutation des gènes les codant. Dans 75% des cas de cancers apparus du fait d’une dysfonctionnement de ce système, l’explication n’est pas héréditaire mais secondaire à un phénomène acquis lié à l’âge, la méthylation du promoteur. Le promoteur d’un gène une partie de l’ADN qui sert à réguler l’expression d’un gène (augmentation de production, réduction, arrêt, etc…). La méthylation est une modification chimique du promoteur qui entraine l’arrêt de la fabrication du gène dont le promoteur est méthylé.

 

4 – Présentation clinique des syndromes HNPCC/LYNCH

Les patients ayant une mutation responsable d’un syndrome HNPCC/LYNCH sont exposés à un risque très important de cancer du côlon et du rectum au cours de leur vie. Ils doivent donc, s’ils sont identifiés, faire l’objet d’une surveillance régulière pour diminuer ce risque. Quand un patient est connue comme porteur de la mutation dans une famille, dès 20 ans, une surveillance du colon et du rectum par une coloscopie totale avec coloration à l’indigo carmin tous les 2 ans est requise.  De même, pour les patientes, il y a un risque très élevé de cancer de l’endomètre à partir de l’âge de 30-35 ans. C’est pourquoi une surveillance est proposée avec une échographie endo-vaginale et parfois hystéroscopie avec toujours un examen clinique tous les ans à tous les 2 ans après l’âge de 30 ans. De plus, une hystérectomie avec ovariectomie prophylactique doit se discuter dès l’âge de 35 ans, la surveillance gynécologique proposée n’ayant pas démontrée une efficacité importante dans la prévention de survenue de cancer de l’endomètre ou de l’ovaire.

            Il existe aussi un risque de survenue de cancer gastrique, au niveau de l’intestin grêle et au niveau de l’appareil urinaire. Toutefois ces cancers et d’autres peuvent survenir dans le cadre du syndrome HNPCC mais de façon beaucoup plus rare et ne font généralement l’objet d’une surveillance spécifique que si de tels cancers ont été décrits dans la famille des patients concernés.

5 – Chirurgie colo-rectale pour syndrome HNPCC/LYNCH

Quand un patient présente un polype qui ne peut pas faire l’objet d’une résection endoscopique ou un cancer du côlon, une intervention chirurgicale est alors requise pour faire le traitement de ce polype ou de ce cancer. Se discute alors l’opportunité de prévenir le risque de survenue sur le côlon d’un autre cancer du côlon ou du rectum.
Il n’y a pas d’étude qui ait pu démontrer qu’entre une résection classique qui n’emporte qu’une partie du côlon, celle où se trouve le cancer, et qui serait suivie d’une surveillance endoscopique tous les 2 ans ou une ablation complète du côlon qui nécessiterait alors qu’une surveillance du rectum, il y ait une différence en terme de survie, de complication de la chirurgie ou de retentissement sur la qualité de vie. En revanche, un modèle mathématique a été utilisé pour essayer de retrouver une augmentation de l’espérance de vie en prenant telle ou telle attitude. Ainsi il a pu être démontré que plus le cancer se développe à un jeune âge et plus le cancer était pris en charge quand il était petit et plus le bénéfice d’une colectomie totale cherchant à prévenir le risque de survenue d’un second cancer était important.

6 – Pronostic des tumeurs du côlon et du rectum MSI

Comme nous l’avons vu plus haut, les tumeurs colorectales survenant dans le cadre d’un syndrome HNPCC/lynch sont dues à un dysfonctionnement du système de réparation de l’ADN après réplication. Il s’agit de tumeurs MSI. Nous avons aussi vu que ces tumeurs sont le plus souvent observées chez des patients n’ayant pas un syndrome HNPCC/Lynch. Ces tumeurs présentent toutes le phénotype MSI.

            Très rapidement, ces tumeurs ont été identifiées comme ayant un bien meilleur pronostic ques les tumeurs colorectales n’ayant pas ces anomalies (MSS : microsatellites stables). En revanche, il est fortement suspecté qu’une chimiothérapie uniquement fondée sur le 5 FU entraîne une diminution des défenses naturelles contre le cancer et entraîne une moins bonne survie que si il n’est pas fait de chimiothérapie du tout. Cette différence en défaveur de la chimiothérapie n’est pas observée si en plus du 5 FU est associée de l’OXALIPLATINE. Par conséquent, si une chimiothérapie est retenue pour des patients ayant une tumeurs MSI notamment en cas de syndrome HNPCC/Lynch avec mutation identifiée, il est fortement recommandé que cette chimiothérapie ne soit pas faite uniquement par de 5 FU mais y associe de l’OXALIPLATINE.

7 – Comment détecter des patients présentant un syndrome HNPCC/LYNCH ou des tumeurs MSI.

Afin de rechercher des patients pouvant présenter un syndrome HNPCC/LYNCH, ont été mis en place dans un premier temps des critères cliniques. Nous avons pu voir que les critères d’Amsterdam n’avaient pas été constitués dans cet objectif mais avaient été constitués dans l’objectif inverse d’identifier les familles fortement suspectes de syndrome HNPCC, chez qui on escomptait pouvoir trouver un mécanisme biologique responsable de ce syndrome.

Les critères d’Amsterdam ne sont pas de bons critères pour identifier les patients présentant un syndrome HNPCC/LYNCH comme cela a pu être démontré dans la littérature. Les critères de Bethesda ont donc été mis au point. Ceux-ci généralement permettent d’identifier les patients ayant un vrai syndrome HNPCC biologique dans à peu près 85 à 90 % des cas. Toutefois, 10 à 15 % des patients présentant un syndrome HNPCC/LYNCH peuvent être « ratés » par ces critères.

Critères de Bethesda:

  • Cancer colorectal avant 50 ans.
  • 2 tumeurs du spectrelarge HNPCC synchrones ou métachrones chez un même patient quel que soit l’âge.
  • Cancer colorectal avec histologie évocatrice, diagnostiqué avant 60 ans.
  • 2 cancers du spectre large HNPCC chez 2 apparentés au 1° dont l’un à moins de 50 ans.
  • 3 cancers du spectre large chez 3 apparentés au 1° ou 2°quel que soit l’âge.

Il est donc préférable pour identifier ces patients de faire de façon systématique des tests sur les tumeurs. Deux tests sont actuellement :

  • le marquage immuno-histochimique des tumeurs pour les protéines MLH1 et MSH2
  • la biologie moléculaire à la recherche d’un phénotype de type MSI.
Leur association semble actuellement le moyen d’identifier le plus de patients présentant un syndrome HNPCC/Lynch.

Marquage immunohistochimique A) Marquage normal pour la protéine MSH2, les noyaux des cellules sont bruns marquant la présence de protéine MSH2. B) Marquage négatif pour la protéine MSH2. Les noyaux des cellules tumorales (entourées) ne sont pas bruns, démontrant l’absence de protéine MSH2. C) Marquage normal pour la protéine MLH1, les noyaux des cellules sont bruns marquant la présence de protéine MLH1. D) Marquage négatif pour la protéine MLH1. Les noyaux des cellules tumorales (entourées) ne sont pas bruns, démontrant l’absence de protéine MLH1.

            Tout l’intérêt de leur identification réside après la mise en évidence de la mutation responsable du syndrome dans une famille donnée, en l’identification des parents porteurs de cette mutation et nécessitant donc une surveillance spécifique pour réduire le risque de survenue de cancer chez eux. La recherche de ce type de mutation se fait en consultation d’oncogénétique et requiert des médecins spécialistes ainsi que des psychologues pouvant aider à mieux supporter et appréhender ce genre de diagnostique. D’autre part par la suite, une surveillance très particulière et surtout très régulière est requise. Sur toute une vie il s’avère particulièrement difficile de la maintenir avec rigueur. La mise en place de support informatique pour s’assurer que cette surveillance sera suivie le plus possible semble un espoir quant au maintient de celle-ci et la prévention effective de survenue de cancer.